Le Cameroun analyse les contreparties de la signature des APE

Alors que l’Afrique de l’Ouest a déjà prévu de signer les APE en échange d’un important programme d’investissement dans les infrastructures, le Cameroun hésite, et ne sait toujours pas précisément quelle contrepartie substantielle sera appliquée. Le projet de loi portant ratification des accords de partenariat économiques entre le Cameroun et l’union européenne sera-t-il présenté au parlement pendant cette session de mars comme le souhaitent les européens, ou plutôt en juin prochain compte tenu de l’agenda politique (élection du bureau) particulièrement chargé de cette session ?

Quoi qu’il en soit, cet accord déjà signée par le Cameroun depuis 2009 et qui n’attend que la ratification pour entrer en application sera un accord national, et non régional comme l’auraient souhaité divers acteurs. Une tuile pour le Cameroun, induisant le démantèlement progressif des tarifs douaniers camerounais sur les produits importés d’Europe, alors que le Cameroun partage un tarif extérieur commun avec les autres pays de la Cemac.

En Afrique de l’ouest par contre, les parties sont récemment parvenue à un arrangement sur les termes de l’ouverture des frontières. Comme l’indique une note confidentielle émanant de la présidence ivoirienne, les Négociateurs en chef ont approuvé le compromis obtenu sur un offre d‘accès au marché Ouest Africain de 75% de libéralisation, sur une période transitoire de 20 ans modulée (…). Selon le schéma de libéralisation, l’essentiel des échanges sera libéralisé à la fin du troisième quinquennat.

Le plus frappant est sans doute le montant des ressources allouées au développement des économies Ouest Africaines par la partie européenne dans le cadre de mesures de soutien à l’APE. Au total, les «besoins prioritaire » de l’Afrique de l’ouest dans le cadre d’une mise en œuvre réussie des APE ont été chiffrés à 6,5 milliards d’euros, soit 4263,35 milliards de francs Cfa, rien que pour la période 2015-2019. Cette somme sera donc essentiellement investie dans les secteurs prioritaires définis par les pays d’Afrique de l’Ouest, dans le cadre du Programme APE pour le développement (PAPED).

L’accord conclu entre l’Union européenne et l’Afrique de l’Ouest souligne donc que les négociateurs en chef des différentes parties ont “validé l’accord intervenu entre les parties sur les besoins prioritaires du PAPED couvrant notamment le commerce, l’industrie, l’agriculture, les infrastructures, l’énergie, et le renforcement des capacités des acteurs non étatiques et notamment des infrastructures de désenclavement. Ils ont convenu d’affecter l’essentiel des ressources du Paped au financement des infrastructures et de l’énergie en vue d’une compétitivité accrue de la région Ouest africaine.

Certes, les pays d’Afrique de l’ouest estimaient leurs besoins à environ 9,5 milliards d’euros, et pendant longtemps, ce débat de chiffres avait bloqué les négociations. La société civile émettait même des critiques sur la nature des ressources affectées par l’Union Européenne au soutien des APE. Il y a quelques mois, Cheikh Tidiane Dieye, un membre de la société civile malienne, avait remarqué qu’« une analyse de ces montants révèle qu’ils ne sont rien d’autres que le cumul de tous les fonds européens bilatéraux et régionaux destinés à la région et aux Etats d’Afrique de l’Ouest. En réalité, l’Union Européenne ne fait que «recycler» et transférer des fonds déjà prévus pour d’autres projets en changeant seulement de rubrique et d’appellation.»

C’est pourquoi, disait il, les chefs d’Etat, les Ministres et les négociateurs de l’Afrique devraient rester vigilants et fermes sur au moins deux points : s’assurer de la cohérence entre les appuis identifiés par la Commission européenne et les besoins contenus dans les plans opérationnels du PAPED, ainsi que de l’additionnalité des ressources à mobiliser pour la mise en œuvre du programme ; obtenir de la partie européenne la présentation d’un tableau clair et détaillé du financement du PAPED indiquant entre autres les ressources retenues, les sources de financement ainsi que la nature des fonds (dons, prêts, flux non concessionnels etc.) ».

Il semble donc que ces préoccupations aient finalement été prise en compte, puisque l’accord auquel sont parvenues les parties indique que les parties s’engagement à réaliser l’adéquation entre les besoins ainsi exprimés et le financement, et préciseront cet engagement lorsque les consultations nécessaires seront achevées. «Les modalités d’exécution assureront un accès rapide, flexible et efficace des fonds pour les projets prioritaires tels que définis dans le PAPED». Mieux, la partie européenne convient de maintenir un accompagnement financier adéquat au PAPED au delà de la période de cinq ans mentionnée dans l’arrangement définitif.

Ces conditions avantageuses obtenues par les pays d’Afrique de l’Ouest résultent pour l’essentiel du fait que ces Etats sont partis en rang serré, du début jusqu’à la fin de négociation. Ce qui n’est guère le Cameroun, qui a entamé les négociations dans une approche régionale, avant de ces retrouver esseulé, les autres pays ayant refusé de poursuivre les discussions. Pour l’heure, les ressources qui pourraient être mises à la disposition de la partie camerounaise pour contrebalancer les effets négatifs des APE et surtout renforcer la compétitivité de l’économie paraissent dérisoires.

Certes, le PASAPE (Programme d'Appui et de Soutien à l'APE, 9ème FED), a été élaboré il y a plus de cinq ans, pour 3,5 milliards. Mais le plus connu des mécanismes de soutien reste le programme de mise à niveau des entreprises, doté d’une enveloppe… 6,5 milliards de francs Cfa. Une somme, disons le tout sec, ridicule à coté de ce que devrait engranger l’Afrique de l’ouest comme investissements dans les secteurs prioritaires. Ce montant est affecté au Programme d'appui à l'amélioration de la compétitivité de l'économie camerounaise (Pacom) qui vise trois objectifs : la mise à niveau des petites et moyennes entreprises camerounaises du secteur productif industriel et agro-industriel ; le renforcement de la normalisation et de la qualité des produits camerounais ; la mise à la disposition des entreprises de compétences et de structures d’appui plus efficaces, notamment dans les filières ou secteurs prioritaires, de manière à ce qu’elles produisent des biens et services de qualité pour conquérir durablement les marches.

Dans des calculs précédents des experts camerounais estimaient à 2500 milliards la somme nécessaire pour faire face aux effets des APE. Sauf que dans ce scénario, l’apport des partenaires extérieurs était limité à 20%.

© LanouvelleExpression : François Bambou

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