100 propositions du Gicam pour l'émergence du Cameroun

L'objectif de l'économie du Cameroun depuis 2009 est d'atteindre un taux de croissance au-dessus de 9-10% sur la période 2015-2025. Cinq ans après la définition de cet objectif et 12 mois avant d'entrer dans la première année de cette échéance, la performance de l'économie camerounaise reste bien loin des objectifs, ceux mentionnés notamment dans le Document de stratégie pour la croissance et l'emploi (Dsce). La vérité des chiffres, au-delà des discours démagogiques montre que le taux de croissance annuel de notre économie stagne toujours autour de 4%. En 2013, il est chiffré à'4,7% selon une évaluation du Fonds monétaire international, alors que les prévisions du gouvernement étaient de 6,1%.

Pour une accélération de cette croissance relativement fragile, le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) propose sa contribution dans une œuvre collective intitulée: 100 propositions du Gicam pour l'émergence du Cameroun. Emmanuel Nganou Djoumessi, ministre de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du territoire, qui signe la préface, reconnaît que la croissance retrouvée au lendemain de la dévaluation du FCFA «est longtemps restée fragile, tant dans sa dynamique que dans ses effets d'entraînement en termes de répartition», et qualifie les propositions du Gicam «de nouveaux éléments (...) pertinents pour orienter les actions vers l'émergence de notre pays».

Sous la direction d'André Fotso, le président du Gicam et Roger Tsafack Nanfosso, professeur agrégé en sciences économiques option économie du travail, l'ouvrage qui sera présenté ce mercredis 26 février à 15h, au palais des Congrès de Yaoundé et que feuillette en primeur Le Jour, présente un ensemble d'analyses parfois très critiques (diagnostics et solutions) d'universitaires et de chefs d'entreprise, déclinées en quatre grandes parties: économie générale et institutionnelle, secteur primaire, secteur secondaire et secteur tertiaire. Un découpage inspiré de la nomenclature du recensement général des entreprises de 2009 faite par l'Institut national de la statistique, précise en introduction méthodologique Roger Tsafack Nanfosso.


Commando de capitaines d'industries

S'agissant de l'économie générale et institutionnelle, le Gicam fait 13 propositions. En voici quelques-unes: envisager le marché mondial comme marché naturel ; porter une croissance forte des exportations vers les pays émergents, grâce à un surplus de 1% par an jusqu'en 2020, pour atteindre un plafond de 9,2% permanent jusqu'en 2027 ; ce taux baisserait pour se situer à 8% de 2028 à 2035; créer un commando de capitaines d'industries conquérants qui Mènent de façon impérative, une diversification des exportations; construire au ministère de l'Economie, une direction coordonnée de l'Industrie et du Commerce extérieur; réaliser la totalité du programme énergétique; et ne pas différer indéfiniment les réformes prévues dans le Dsce au risque de retarder l'entrée dans l'émergence; mettre en place un mécanisme qui rende exécutoires et quasi non aliénables les droits de propriété acquis par un tiers, développer une extension du spectre de la sécurité sociale actuelle...

S'agissant du secteur primaire qui englobe l'agriculture, l'élevage, la sylviculture, la pêche et la pisciculture, le Gicam fait 28 propositions. On notera: la nécessité de renouer sérieusement avec les politiques de subvention, la nécessité d'impliquer les banques commerciales dans le financement et l'urgence de redonner à la recherche ses lettres de noblesse et redynamiser les liens entre celle-ci et le monde réel...

Quant au secteur secondaire, qui rassemble les industries extractives, alimentaires, manufacturières, de l'électricité et du gaz et de la construction, le Gicam formule 31 propositions, On en retient celles-ci: accroître la transparence dans le circuit des recettes des produits miniers, mettre au cœur de la stratégie de production et de distribution d'Aes-Sonel, les entreprises de Douala, Yaoundé, Edéa et Limbé, revoir la politique des tarifs appliqués, en baissant le prix du Kwh pour les clients «moyenne tension», développer les infrastructures afin que la production du barrage de Lagdo parvienne dans le sud du territoire, professionnaliser les services de délivrance des permis de construire, améliorer le professionnalisme dans les offices notariaux.


Crédit bon marché

Enfin, pour le secteur tertiaire qui regroupe le commerce, le transport, la banque, l'assurance et la Citoyenneté de l'entreprise, le Gicam formule 28 propositions. Et suggère notamment d'indexer le taux débiteur des banques à l'évolution du taux directeur de la Beac afin d'encourager la demande de crédit bon marché, de lutter contre le commerce illicite, de construire davantage les routes rurales pour faciliter l'acheminement des produits vivriers, de réduire et supprimer les barrières routières, les barrières sur le territoire et sur les corridors inter-régionaux, d'accroître l'irrigation par voie aérienne des régions du pays en investissant dans la qualité des aéroports existants.

Au total, l'ouvrage de 422 pages, documenté et enrichi de tableaux et graphiques édifiants, liste des idées qui font le tour des secteurs dans lesquels se déploient les entreprises au Cameroun et interpellent les pouvoirs publics mais aussi les entreprises elles-mêmes. C'est l'aboutissement d'un projet mûri au Cercle de réflexion économique du Gicam (Creg. Le premier draft a en effet été présenté par le président du Creg, Roger Tsafack Nanfosso, lors de l'assemblée générale du Gicam le 13 décembre 2012 à Douala. La version améliorée a été inscrite à l'ordre du jour de la partie scientifique des Journées de l'Entreprise organisées par le Gicam du 9 au 16 février 2013 à Douala. La version qui a intégré les critiques recueillies au Jde de Douala a été expédiée à un rapporteur anonyme, retournée aux auteurs puis remise à Roger Tsafack Nanfosso, pour dernière relecture.

Au fond, le Gicam assure son adhésion à la vision de l'émergence en 2035. Ses propositions sont novatrices dans une large mesure. Mais certaines des idées émises sont déjà énoncées ici et là sans que les pouvoirs publics ou les entreprises s'en approprient véritablement. A quoi bon, serait-on tenté de dire ? Qui peut jurer cette fois-ci des chances d'une réelle implémentation des 100 Propositions ? Optimiste, la préface du ministre de l'Economie signale un processus structuré de concertations avec le secteur privé depuis 2011. Vivement une évaluation.

André Fotso Roger Tsafack Nanfosso (Sous la direction)

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